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Lexique sensoriel

Le pain par Hubert CHIRON

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 Le pain par Hubert CHIRON

Le pain par Hubert CHIRON

Parmi les grandes catégories des pains mondiaux, ceux dits à croûte se distinguent à plus d’un titre. Leur double texture leur confère non seulement des caractéristiques uniques de croustillance et leur mie possède souvent une mâche originale.

Selon son choix de recette et en fonction des réglages du diagramme de fabrication, le boulanger peut largement moduler les caractéristiques du pain et ainsi répondre aux aspirations de ses clients.

Cette famille des pains à croûte est passionnante car elle offre la plus large palette de formats, de couleurs de croûte et de densités. J’ai par ailleurs la conviction que c’est aussi le type de pain, quel que soit son pays d’origine, qui possède le plus large spectre sensoriel tant en texture qu’en arômes.

Sur le point de vente, son aspect extérieur peut tout à la fois étonner, rassurer mais aussi parfois ... décevoir le consommateur. Une fois le produit en main, le jugement se précise : notion de légèreté, de fraîcheur, intensité de croustillance et odeur bien sûr !

Le degré de tentation de la première bouchée constitue à lui seul un signe de complicité et l’attaque en bouche démasque les caractéristiques de la croûte. Les pains bien cuits et de faible section résonnent gaillardement en bouche, les autres sont silencieusement broyés lors de la mastication. A chacun de choisir son camp !

Coupée avec soin, la surface de la tranche dévoile la structure alvéolaire. Ici encore cet enchevêtrement de cellules, soit sagement ordonnées (mousseuses) ou aléatoirement irrégulières, suscite plus ou moins l’appétence. Matériau assimilable par son comportement et ses propriétés mécaniques, à un solide alvéolaire, la mie des pains dits à croûte peut-être très typée. Forme des pores, réflectance de la lumière sur ces cloisons comestibles et sensation à l’effleurement, renseignent le consommateur.

La mie, principale composante du produit, impacte les propriétés d’usage, de grandes différences existent, par exemple en terme d’aptitude à la « tartinabilité ». Les anciens boulangers ne manquaient pas d’imagination et ils employaient volontiers des descripteurs imagés : coup de lame façon « oreille de lièvre », une mie « soyeuse », « longue », aux parois « nacrées ». Cette catégorie de pain génère un riche vocabulaire, non cantonnée à l’hégémonique notion de moelleux !

Le lien entre la texture du pain et son goût fait encore débat. Nul ne sait précisément où se cachent ces arômes dans ce labyrinthe d’alvéoles tortueuses et connectées... Leurs parois qui assurent la cohésion, piègent l’eau et limitent l’émiettement n’ont peut-être pas encore livré tous leurs secrets...

Il est de coutume de dire, à juste titre d’ailleurs, que le boulanger qui scarifie son pain y appose sa signature. Il me semble que les pains à croûte sont également très attachants par la grande diversité de leur « architecture alvéolaire » qui constitue le véritable sceau du boulanger.

Hubert CHIRON, Issu d’une famille de boulangers depuis quatre générations, titulaire d’un brevet de maîtrise de boulanger et diplômé de l’American Institute of Baking, il est responsable du fournil expérimental à l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) de Nantes.